Histoire : Gomorra explore Naples et la Campagnie dominées par la criminalité organisée, sur fond de guerre entre clans rivaux et de trafics en tout genre : contrefaçon, armes, drogue et déchets toxiques. C'est ainsi que le Système, comme le désignent les affiliés, accroît ses profits, conforte sa toute-puissance et se pose en avant-garde criminelle de l'économie mondialisée. Mais c'est aussi l'histoire intime de Roberto Saviano, qui est né sur ces terres et a choisi l'écriture pour mener son combat contre la camorra.
Mon avis : Basé sur des faits réels, ce livre est vraiment intéressant et poignant pour expliquer le fonctionnement de la mafia napolitaine (ou appelé Camorra). Je me suis un peu perdu avec tous ces noms et clans camorristes, mais sinon Saviano raconte très bien son sujet en alternant roman et reportage. Ce livre est poignant car on voit à quel point la camorra détruit tout principe pour de l'argent : la mort ne signifie rien, aucune dignité humaine. Deux passages m'ont touché : le passage "Je sais. J'ai les preuves" où l'auteur raconte son combat et le chapitre Don Peppino Diana, un prêtre de la région qui dénonçait la camorra.
A lire si vous voulez des informations sur le crime organisée, pour s'interroger aussi.
Extraits : (Gallimard, 2007)
"Ce ne sont pas les camorristes qui choisissent les affaires, mais les affaires qui choisissent les camorristes. La logique de l'entreprenariat criminel et la vision des parrains sont empreintes d'un ultralibéralisme radical. Les règles sont dictées et imposées par les affaires, par l'obligation de faire du profit et de vaincre la concurrence. Le reste ne compte pas. Le reste n'existe pas. Le pouvoir absolu de vie ou de mort, lancer un produit, conquérir des parts de marché, investir dans des secteurs de pointe : tout a un prix, finir en prison ou mourir. Détenir le pouvoir, dix ans, un an, une heure, peu importe la durée : mais vivre, commander pour de bon, voilà ce qui compte. Vaincre dans l'arène du marché et pouvoir fixer le soleil."
"Je suis né en terre de camorra, l'endroit d'Europe qui compte le plus de morts par assassinat, là où la violence est la plus étroitement liée aux affaires et où rien n'a de valeur s'il ne génère pas de pouvoir. Où tout a la saveur de l'ultime bataille. Il semblait impossible d'avoir un seul instant de paix, de ne pas vivre à l'intérieur d'une guerre où chaque geste peut signifier une reddition, où chaque besoin est une faiblesse, où tout se gagne en mordant la chair jusqu'à l'os. En terre de camorra, combattre les clans n'a rien à voir avec la lutte des classes, l'affirmation d'un droit ou la réappropriation d'une citoyenneté. Ce n'est pas une prise de conscience de sa propre dignité ni un geste de fierté. C'est quelque chose de plus essentiel, de plus viscéral, de charnel. En terre de camorra, connaître les mécanismes de domination des clans, leurs moyens d'enrichissement, leurs circuits d'investissement, c'est comprendre comment fonctionne notre temps, partout et pas seulement sur un territoire circonscrit. S'opposer aux clans devient une guerre pour la survie : comme si la nourriture qu'on mange, les lèvres qu'on embrasse, la musique qu'on écoute et les pages qu'on lit ne donnaient pas un sens à la vie, mais seulement à la survie. Connaître n'est donc pas un engagement moral : savoir, comprendre, est une nécessité. La seule chose qui permet de sentir qu'on est encore un homme digne de respirer." (p.356)